Alors que la Russie et les États-Unis soufflent le chaud et le froid sur l’imminence d’une invasion russe de l’Ukraine, la prévention d’une agression russe repose sur deux piliers sur lesquels peuvent peser les Occidentaux : la diplomatie et la dissuasion. Pour que ceux-ci puissent espérer altérer les calculs russes, l’Occident doit surmonter ses divisions et parler d’une seule voix. Le très haut niveau de coordination entre alliés dans leurs réponses apportées à la Russie témoigne de cet impératif. Le mot d’ordre est clair : unité.
Or, s’il y a unicité dans la condamnation du révisionnisme russe, des différences sont perceptibles entre les alliés en raison de considérations de politique intérieure et de leur degré variable d’exposition à la menace russe et aux conséquences d’une riposte robuste à une agression russe. En effet, en dépit d’une forte solidarité, des disparités demeurent sur quatre enjeux cruciaux : le soutien à l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique, le soutien matériel à l’Ukraine, le déploiement de contingents militaires sur le flanc Est de l’OTAN et le soutien à des sanctions contre la Russie. Ces lignes de fractures risquent d’être exposées encore davantage dans l’éventualité de concessions importantes faites à la Russie ou de représailles robustes en cas d’agression russe.
Soutien à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN
La communauté transatlantique a réitéré son soutien sans réserve à la protection de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et à la politique de la porte ouverte consacrée par l’article 10 du document fondateur de l’Alliance. L’Union européenne refuse l’idée d’un nouveau Yalta, opposant les blocs d’influence les uns contre les autres, et propose plutôt un nouvel Helsinki, garantissant la souveraineté et l’inviolabilité des frontières. Les demandes russes d’une zone tampon entre elle et l’Alliance et de la neutralité de l’Ukraine ont donc été jugées inacceptables tant par Washington que l’OTAN et l’UE.
Pourtant, la promesse d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN offerte lors du sommet de Bucarest en 2008 laisse perplexes plusieurs pays occidentaux. Officiellement, la demande russe de mettre un frein à l’élargissement oriental de l’OTAN, conformément à la ligne rouge fixée par le Kremlin, a été balayée du revers de la main par les membres de l’Alliance. Néanmoins, on observe dans les faits des approches diplomatiques contrastées sur la question.
Le soutien diplomatique le plus ferme pour l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN vient de la Pologne et des pays baltes. Ces derniers sont prêts à soutenir une intégration accélérée de l’Ukraine au sein de l’Alliance, qu’ils considèrent comme une garantie de sécurité supplémentaire face à la Russie. La Roumanie soutient également les aspirations euroatlantistes de l’Ukraine, tout comme le Canada, qui défend fortement la candidature ukrainienne.
Washington adopte une stratégie plus prudente. Le président Biden insiste sur le fait que Moscou ne pourra pas étouffer le souhait ukrainien d’intégrer l’Alliance. Toutefois, l’adhésion de l’Ukraine n’est pas une priorité pour son administration, qui souhaite plutôt concentrer son énergie dans l’Indopacifique. En plus de ne pas vouloir exacerber l’animosité russe, Washington estime que l’Ukraine a encore beaucoup de travail à faire afin d’être éligible, notamment en matière de lutte contre la corruption. Similairement, Londres appuie, à travers une déclaration de soutien, les aspirations de l’Ukraine pour intégrer l’OTAN. Ce soutien est cependant conditionné à la mise en place de plusieurs réformes d’ordre politique, économique et de défense.
L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN n’est pas à l’ordre du jour non plus pour le ministre des Affaires étrangères José Manuel Albares, conformément à la position de l’Espagne qui s’était opposée en 2008 au processus d’adhésion rapide de l’Ukraine dans l’OTAN. Quant à l’Italie, ses intérêts économiques et sa forte dépendance au gaz russe (46%) représentent un contrepoids important au soutien actif de Rome à la candidature ukrainienne. Si l’Italie soutient l’adhésion de l’Ukraine dans l’UE, elle reste néanmoins évasive quand il s’agit de l’OTAN.
Paris et Berlin se sont tous deux également opposés à l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN en 2008, et ils négocient actuellement avec Kiev et Moscou dans le format Normandie, ce qui tend à restreindre leur soutien diplomatique pour prolonger la discussion avec la Russie. Le président Macron questionne ouvertement si l’ambiguïté entourant l’adhésion possible de l’Ukraine « ne nous est pas défavorable ». Similairement, la ministre des Affaires étrangères allemande considère l’entrée de l’Ukraine dans l’Alliance comme irréaliste, alors que le chancelier allemand estime que l’enjeu n’est pas à l’ordre du jour.
De manière plus directe, par l’intermédiaire de son ministre de la Défense, la Hongrie s’est officiellement opposée à l’adhésion de l’Ukraine au sein de l’Alliance. Malgré la gravité de la crise ukrainienne, Viktor Orban semble privilégier le maintien de sa relation avec Moscou en dépit de la crise ukrainienne. La Hongrie n’est pas seule dans son camp. La Croatie s’oppose également à une appartenance de l’Ukraine à l’OTAN.
L’Ukraine semble ouverte à certaines concessions afin d’éviter la guerre. Ceci pourrait inclure la possibilité de renoncer à la demande d’adhésion à l’OTAN, inscrite dans sa constitution. « Peut-être que la question des portes ouvertes est pour nous comme un rêve », a déclaré le président ukrainien.
Sur cet enjeu crucial aux yeux de Moscou, un consensus assez fort parmi les alliés demeure sur le principe de la politique de la porte ouverte, mais des divisions demeurent sur la pertinence de Kiev de joindre l’Alliance à court et moyen terme.
Soutien matériel à l’Ukraine
Un second volet du soutien occidental à l’Ukraine est matériel. Puisque l’Occident redoute la guerre, si le dialogue ne parvient pas à faire advenir une sortie de crise par la voie diplomatique, renforcer les capacités militaires de l’Ukraine pourrait dissuader la Russie de passer à l’action. Cependant, ici aussi on observe des divergences sur la nature et l’ampleur du soutien offert.
Les États-Unis, principal bailleur de fonds de l’Ukraine, soutiennent significativement Kiev, malgré leur refus, pour le moment, de déployer des systèmes terrestres de lancement de missiles offensifs sur le territoire ukrainien. Deux cargaisons américaines, respectivement de 80 tonnes et de 200 livres d’armement létal ont été livrées. Cette aide s’inscrit plus largement dans la stratégie globale américaine de renforcement des capacités de défense de l’Ukraine pour atténuer l’avantage militaire russe. Les États-Unis viennent d’approuver le transfert de 650 millions de dollars d’armes à l’Ukraine, soit le montant le plus élevé en une seule année depuis le début de l’aide internationale amorcée en 2014.
Forts de l’appui américain, les pays baltes ont accéléré l’envoi d’armes de fabrication américaine en Ukraine. La Lituanie et la Lettonie offrent des missiles antiaériens Stinger, alors que l’Estonie fournira des systèmes de missiles antichars Javelin. La République tchèque fournira à l’Ukraine des dizaines d’obus d’artillerie et des équipements connexes d’une valeur de 1,7 million de dollars. Varsovie, qui craint directement pour sa sécurité avec les mouvements de troupes à la frontière biélorusse, a également pris la décision de fournir des munitions défensives ainsi que des missiles antiaériens et des mortiers légers. Le Danemark a également annoncé une aide de 25 millions de dollars pour permettre la modernisation des forces armées ukrainiennes.
Le Royaume-Uni s’est engagé à fournir des systèmes d’armement léger et de défense antichar. En étant de courte portée, ces armes permettent selon Londres d’accroître la capacité d’autodéfense de l’armée ukrainienne en cas d’invasion. De l’armement antinavire devrait être aussi acheminé en Ukraine pour aider le pays à faire face à la Russie dans la mer Noire et d’Azov. Enfin, des forces spéciales forment les forces armées ukrainiennes, notamment pour utiliser le matériel.
La France considère qu’un soutien direct et un investissement plus marqué amoindriraient ses chances de jouer un rôle central dans la désescalade du conflit. Toutefois, les contrats d’armement prévoyant la livraison de vingt patrouilleurs à l’Ukraine seront honorés par la société française Ocea. La Roumanie n’a pas évoqué l’envoi d’armes en Ukraine, mais un accord pour stimuler la coopération militaro-technique avec Kiev a été récemment signé. Il en va de même pour Ankara. Cependant, la proposition du gouvernement turc de devenir un médiateur dans le conflit est mise à mal par la vente de drones qui accroît grandement les capacités militaires de l’Ukraine. Les drones Bayraktar constituent l’un des armements les plus sophistiqués des forces ukrainiennes.
D’autres pays se contentent d’un soutien militaire non létal. L’Allemagne a par exemple offert 5 000 casques pour les soldats ukrainiens, jugeant que « les livraisons d’armes ne contribueraient pas actuellement » à désamorcer la crise. Dans cette perspective, Berlin est allée jusqu’à bloquer l’envoi d’armes de manufacture allemande par l’Estonie. Similairement, le Canada a d’abord limité son soutien à des équipements militaires non létaux comme des gilets par balles. Après une longue réflexion, il s’est engagé à fournir également des armes de petit calibre d’une valeur de 7,8 millions de dollars. Ottawa a également consenti à déployer des dizaines de soldats additionnels afin d’accroître la formation des militaires ukrainiens. Les troupes canadiennes, devant demeurer dans l’ouest de l’Ukraine, c’est-à-dire là où les « risques sont les moindres », ont toutefois été retirées, à l’instar des troupes américaines et britanniques, en anticipation d’une attaque imminente de la Russie.
Les alliés divergent ainsi sur la nature et l’ampleur de leur soutien à l’Ukraine. Les maximalistes ont offert de l’équipement militaire létal, les plus prudents ont seulement acheminé un soutien non létal, alors que bien d’autres ne se sont pas prononcés sur le transfert d’armes.
Déploiements militaires
Face à la détérioration de l’environnement européen de sécurité, certains membres de l’Alliance s’attèlent à accroître leur présence militaire dans les pays limitrophes à l’Ukraine. Si les États-Unis ont exclu un déploiement militaire renforcé en Ukraine en cas d’invasion russe, ils ont plutôt décidé de déployer environ 3 000 militaires en Pologne et en Roumanie. Ces soldats s’ajoutent aux 8 500 militaires américains placés en alerte par Washington.
Similairement, le Royaume-Uni a annoncé le déploiement d’un contingent de 350 militaires en Pologne, qui viendra s’ajouter aux 100 soldats déjà présents, tandis que le HMS Prince of Wales à la tête d’un détachement maritime d’intervention rapide est toujours en alerte. Le Danemark a également déployé une frégate dans la mer Baltique et quatre avions de chasse en Lituanie. Les Pays-Bas vont aussi envoyer deux avions de chasse F-35 en Bulgarie dans le cadre des missions de police de l’air de l’OTAN dans la région de la mer Noire.
La ministre française des Armées, Florence Parly, était à Bucarest pour rappeler l’éventualité d’un déploiement de plusieurs centaines de militaires français afin de renforcer la posture de dissuasion de l’OTAN en Roumanie, tout en proposant la candidature française pour être la nation-cadre de cette force à déployer. L’Allemagne, qui avait initialement refusé d’envoyer des militaires en Europe de l’Est, a finalement décidé de fournir un contingent de 350 troupes en renfort aux 500 soldats déjà sur place en Lituanie, en plus de lui vendre des systèmes d’artillerie Howitzer. Malgré une lutte politique pour déterminer le rôle du pays dans le renforcement des capacités de l’OTAN, le gouvernement espagnol a fait le choix d’envoyer six avions de combat Eurofighter et une frégate avec 220 militaires à son bord en Mer noire et en Bulgarie pour soutenir l’effort de dissuasion de l’OTAN.
Le Canada, qui commande l’un des quatre groupements tactiques multinationaux de l’OTAN visant à rassurer les alliés et dissuader la Russie, continue de soupeser l’augmentation de sa présence militaire en Lettonie. Similairement, l’Italie n’a pas contribué au renforcement des capacités militaires de l’OTAN sur son flanc Est, mais s’est avancée encore plus loin, déclarant que l’Europe n’avait pas les capacités militaires pour dissuader la Russie. Ces deux pays pourraient donc être sollicités afin de contribuer davantage au renforcement des capacités de l’Alliance en Europe de l’Est.
Alors que l’OTAN accroît ses troupes sur son flanc oriental, ceci est contesté au sein de certains pays visés. La Hongrie s’oppose au déploiement de troupes de l’OTAN sur son territoire. Selon son ministre de la défense, la Hongrie n’est pas menacée et ne souscrit pas à la « rhétorique de la guerre froide qui est utilisée, aux menaces et à la démonstration de force » de l’Alliance. La Bulgarie et la Slovaquie sont quant à eux plus équivoques. Le ministre bulgare de la défense a été rabroué par son premier ministre après avoir déclaré son opposition au redéploiement de troupes de l’OTAN en Bulgarie. Le ministre des Affaires étrangères de la Slovaquie estime pour sa part peu probable que le parlement appuie le déploiement d’un contingent de 1 000 troupes de l’OTAN sur son territoire. Ces réticences sapent donc le consensus au sein de l’OTAN sur la possibilité « de positionner des groupements tactiques supplémentaires dans le sud-est du territoire de l’Alliance ».
Sanctions contre la Russie
Pratiquement tous les pays occidentaux promettent de lourdes sanctions contre la Russie en cas d’invasion de l’Ukraine. Cependant, si les États-Unis et le Royaume-Uni peuvent imposer unilatéralement des sanctions contre la Russie, ce n’est pas le cas des 27 pays membres de l’UE, qui doivent se mettre d’accord sur des sanctions communes. Les intérêts divergents des États membres pourraient compliquer l’élaboration d’un régime de sanctions commun.
Ni l’UE, ni le Royaume-Uni, ni les États-Unis n’ont dévoilé de régime de sanctions à ce jour, malgré la demande en ce sens de l’Ukraine. Le Sénat américain réfléchit à un ensemble de sanctions qui varient en intensité et peuvent théoriquement cibler les avoirs de personnes proches du Kremlin, les exportations de certaines technologies en Russie, les institutions financières russes, le secteur extractif russe, le financement extérieur de la dette russe, le pipeline gazier Nord Stream 2 (NS2) ou encore le bannissement de la Russie du système bancaire SWIFT.
Si l’Allemagne s’est opposée à cette dernière option, Berlin a néanmoins évolué sur NS2 sans être toutefois limpide sur le sujet. La ministre allemande des Affaires étrangères a déclaré que l’Allemagne était prête à subir de sérieux coûts économiques si la Russie devait attaquer l’Ukraine. Le chancelier Olaf Scholz a avancé que l’Allemagne resterait « absolument unie » avec ses partenaires pour prendre les sanctions adéquates, sans jamais nommer NS2. Le président américain a quant à lui ouvertement déclaré que le pipeline ne serait jamais ouvert en cas d’invasion russe.
Outre l’ambiguïté allemande, l’Élysée a affirmé que « les sanctions ne sont pas l’alpha et l’oméga de la réponse » et « ne doivent pas entraîner des répliques qui auraient un coût pour nous en boomerang ». Or, un régime de sanctions qui se veut efficace sera nécessairement douloureux économiquement pour le vieux continent et potentiellement déstabilisant pour l’économie globale en raison de la taille de l’économie russe.
L’Autriche s’oppose à l’inclusion du NS2 dans le régime de sanctions de l’UE contre Moscou en représailles d’une invasion de l’Ukraine. La Hongrie a aussi déclaré que de nouvelles sanctions sur la Russie seraient vouées à l’échec et que les demandes sécuritaires russes sont raisonnables. On observe en outre de récentes discussions entre le président Poutine et des hommes d’affaires italiens, malgré la demande du premier ministre italien et de parlementaires d’annuler cette rencontre. Cela traduit la difficulté que les intérêts économiques représentent pour la mise en place d’un régime de sanctions sévère. Il faudrait aussi s’attendre à une réplique russe en cas de lourdes sanctions, probablement de manière hybride : instrumentalisation de migrants, cyber attaques, chantage avec le gaz, etc.
Ainsi, malgré des promesses de sanctions sévères et coordonnées en cas d’agression russe, les coûts pour l’économie ou la stabilité énergétique de l’Europe (40% de ses importations gazières viennent de la Russie) risquent de compliquer l’instauration d’un régime de sanctions commun. Plusieurs alliés, dont l’Allemagne, ont « besoin d’être constamment cajolé » afin de se rallier à la posture américaine.
Par ailleurs, le seuil requis d’agression russe pouvant entraîner l’adoption de « la mère de toutes les sanctions » reste à définir. Si une invasion totale de l’Ukraine fédérait sans aucun doute une réaction occidentale forte, qu’en serait-il d’une attaque hybride ? Serait-ce suffisant pour imposer des sanctions drastiques ? Plus encore, des mesures robustes pouvant faire mal aux autorités russes, telles que d’empêcher l’acquisition de propriétés en Occident et de bannir le financement russe de partis politiques occidentaux, ne sont pas envisagés.
Conclusion
L’Alliance atlantique et l’Union européenne affichent un front commun face à une possible agression russe. Cependant, une ligne de fracture divise les États selon qu’ils craignent davantage l’usage de force russe ou des sanctions contre la Russie, ainsi qu’en fonction de considérations de politique intérieure. Un premier camp regroupe la Pologne, les Pays baltes et, dans une moindre mesure, les États-Unis et le Royaume-Uni, qui privilégient des politiques maximalistes : ils soutiennent l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance, fournissent des armes létales à l’Ukraine, favorisent des déploiements militaires accrus et soutiennent l’imposition de sanctions sévères en cas d’invasion russe.
Un second camp rassemble des alliés ambivalents qui conjuguent des positions maximalistes sur certains enjeux et plus timides sur d’autres. La France propose un déploiement militaire significatif en Roumanie, mais demeure hésitante sur les autres dossiers. Le Canada soutient fortement l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, mais hésite à contribuer significativement sur le plan militaire. L’Allemagne, quant à elle, demeure prudente sur tous les dossiers, mais semble de plus en plus disposée à abandonner NS2 en cas d’invasion russe.
Un troisième groupe d’alliés pourrait jouer les trouble-fêtes. Si l’Italie hésite sur l’ensemble des dossiers, c’est la Hongrie qui adopte une posture la plus critique. Elle s’oppose à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à des sanctions contre la Russie et n’offre aucun soutien militaire à l’Ukraine. Pire, elle entend plutôt accroître sa coopération avec la Russie.
Cela dit, la minorité d’alliés qui demeure sceptique sur l’opportunité d’une riposte ferme contre la Russie pourrait subir de fortes pressions à se rallier à la majorité. Ceci est particulièrement le cas du renforcement des troupes de l’OTAN sur son flanc oriental, où une invasion russe de l’Ukraine amplifierait la solidarité euroatlantique. De plus grandes divergences sont envisageables en matière de sanctions économiques et financières, en raison de différentiel d’exposition aux coûts, ainsi qu’en ce qui a trait au soutien militaire à l’Ukraine, car, contrairement aux autres domaines, celui-ci ne fait pas l’objet d’une coordination transatlantique.
L’enjeu qui suscite pour l’instant de plus grandes divisions porte sur l’appartenance (théorique) de l’Ukraine à l’OTAN. Vue par certains comme une clé de voûte à une sortie de crise pacifique, l’offre d’un statut de neutralité pour l’Ukraine est considérée pour d’autres comme un appel à d’autres agressions de la Russie. Les réactions vives aux velléités d’une « finlandisation » de l’Ukraine témoignent de la sensibilité du sujet au sein de la communauté euroatlantique. Toutefois, une invasion et une occupation russes de l’Ukraine rendraient caduc cet enjeu. Elle signalerait que seule l’appartenance à l’OTAN est gage de sécurité. Autrement dit, la Russie peut espérer soutirer davantage aux Occidentaux en maintenant sa menace d’invasion sans passer à l’action. Une fois la guerre entamée, les alliés constateront l’échec de la dissuasion et se concentreront sur une posture punitive, axée sur des sanctions et un renforcement de leur présence militaire aux frontières de la Russie. Certes d’intensité variable d’un allié à un autre, ces mesures de représailles seront accompagnées d’un élan de solidarité similaire à celui qui a suivi l’annexion de la Crimée en 2014.
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