Les tensions géopolitiques liées à l’Arctique se sont développées à la suite de l’attitude hostile de la Russie dans la région. La guerre en Ukraine joue un rôle important dans l’accentuation de cette crise. Depuis plusieurs années, la Russie a intensifié la militarisation de son territoire arctique, suscitant des préoccupations quant à ses intentions dans le Grand Nord. Cette situation a conduit à une escalade des tensions avec d’autres pays de la région, tels que le Canada, les États-Unis, ainsi que plusieurs pays européens, qui s’inquiètent de cette montée en puissance militaire. Cependant, ces tensions diplomatiques au sujet de l’arctique ne sont pas nouvelles. La région a déjà été le théâtre de confrontations similaires.
On peut notamment évoquer les tensions politiques et militaires issues de la guerre froide, qui semblent se répéter à notre époque. Ce qui distingue la situation actuelle de celle de la guerre froide, ce sont les intérêts en jeu : aujourd’hui, ils sont principalement stratégiques, économique et militaires, et non plus idéologiques. L’Arctique constitue une région d’importance économique pour la Russie, les États-Unis, le Canada, ainsi que pour plusieurs pays européens comme la Finlande, la Norvège, la Suède et le Danemark. L’archipel arctique canadien, qui représente 40 % du territoire national, est un espace stratégique majeur pour le pays. Celle-ci est frontalière avec la Russie qui revendique qu’une partie de la mer arctique relève de ses eaux intérieures, justifiant cette position par son rattachement aux îles Sibériennes. Cette région du monde est depuis de nombreuses années le théâtre de tensions diplomatiques, auxquelles s’ajoute le réchauffement climatique, un facteur clé dans la dégradation environnementale et politique de la zone.
Ces récentes tensions entre les pays arctiques, ont conduit le Canada à prendre conscience de la nécessité de moderniser ses capacités dans la région, en réponse aux enjeux politiques et militaires exacerbés par le conflit en Ukraine. Il est crucial de comprendre les raisons qui poussent le Canada à revoir sa stratégie politique en Arctique et d’en examiner les enjeux.
L’objectif de cette note politique est de démontrer que la région arctique subit un changement géopolitique majeur, menaçant la stabilité politique de la zone. À cette vision s’ajoute l’idée d’une guerre hybride, mêlant moyens militaires et non militaires. La désinformation et l’ingérence étrangère semble être les nouvelles armes de cette guerre hybride, propagées par la Russie, elles peuvent avoir un impact significatif sur la stabilité de la région arctique. C’est pour cela que le Canada doit se prévaloir d’une politique de défense adaptée à une Russie qui se militarise et qui n’hésite pas à employer des moyens non militaires Pour imposer son influence à travers le monde.
L’Arctique : une zone géographique en proie à des tensions diplomatiques
Les tensions géopolitiques et la vulnérabilité du territoire arctique face au réchauffement climatique en font une région difficile à contrôler. Loin d’être épargnée par les désaccords politiques entre les grandes puissances, la région a vu ses tensions diplomatiques s’intensifier depuis le début de la guerre en Ukraine. Cette situation se ressent sur le fonctionnement du Conseil de l’arctique, considérablement ralenti par ses membres, qui considèrent l’action russe en Ukraine comme une violation du droit international et une menace à la stabilité mondiale que le Conseil s’efforce de maintenir.
Le réchauffement climatique est une menace et une opportunité pour les grandes puissances. Ce paradoxe ouvre désormais l’accès à des zones d’exploitations auparavant inaccessible à cause de la glace. La région, riche en ressources naturelles, telles que les le charbons, le fer, l’or, l’uranium ainsi que les gisements de pétrole et de gaz naturel, est donc soumise à un accroissement des installations industrielles. Il est estimé qu’environ 30% de la réserves mondiales de pétroles se trouve en arctique, une information qui suscite l’intérêt les grandes puissances. Certains pays considèrent que la protection de l’environnement est essentielle et que la région doit être protégée des actions humaines, tandis que d’autres y voient une opportunité de développement économique et militaire. C’est le cas de la Russie, qui intensifie sa présence militaire, justifiant cette posture par sa volonté de développer son territoire arctique, tout en défendant l’intégrité de ses frontières face aux effets du réchauffement climatique et à l’ingérence étrangère.
Cette ruée vers les ressources de la région, créé un climat comparable à celui de la guerre froide, caractérisé par des tensions diplomatiques, des revendications sur les fonds océaniques et des attributions des ressources sous-marines. Ce climat de tension évoque l’évènement de 2007, lorsque la Russie avait planté un drapeau au fond de l’océan arctique, revendiquant sa souveraineté sur ces fonds marins. Une image perçue comme une manœuvre politique de la part Moscou.
La montée en puissance de la Russie en Arctique
La guerre en Ukraine a profondément modifié l’ordre géostratégique mondial, plongeant le monde dans un avenir incertain, tout en redéfinissant l’échiquier diplomatique de la région arctique. Notamment, à cause de l’adoption des sanctions contre la Russie, par les pays membres du conseil de l’arctique. En réponse à ces nouvelles dynamiques, les pays arctiques cherchent à renforcer leurs budgets militaires de façon à assurer leur sécurité régionale et à s’adapter aux enjeux géopolitiques accrus. C’est ce que rapportent la Norvège et le Danemark. Ils expliquent, cependant, qu’un conflit armé est peu probable, mais qu’une guerre hybride serait envisageable compte-tenu de l’attitude de la Russie dans la région. Le contexte international qui se déroule sous nos yeux, entraine les grandes puissances dans une compétition au cours de laquelle l’Arctique sera au cœur des discussions. Les renseignements canadiens et américains font état de nouvelles bases et de nouveaux moyens militaires dans la zone contrôlée par la Russie.
Cette militarisation n’est cependant pas nouvelle puisque Moscou avait indiqué sa volonté d’accentuer sa présence dans cette partie du monde. Le pays semble mener de nombreux exercices militaires dans la région, tels que des tirs de missiles balistiques en mer de Barents. Un avertissement envoyé par Moscou pour montrer sa supériorité et réaffirmer sa volonté de surveiller cette zone du monde. À cela s‘ajoute, un sentiment d’encerclement à la suite de l’adhésion de plusieurs pays arctiques à l’OTAN. Le changement d’attitude de la Russie, incite le Canada à réévaluer ses enjeux militaro-stratégiques dans la région, afin d’assurer la protection et la défense de son archipel arctique.
L’ère de la guerre en Ukraine a ouvert une nouvelle porte à l’utilisation de la désinformation dans le but d’influencer les populations étrangères. Bien que les campagnes de désinformation, intégrées dans le concept de guerre hybride, soient devenues un facteur crucial en matière de défense nationale et de protections des populations, il est important de les nuancer. Ces campagnes servent à provoquer des débats au sein de la politique nationale, exacerber les clivages sociaux ou semer de la méfiance envers un gouvernement. Elles peuvent également perturber le processus démocratique d’un pays. L’objectif est de diffuser des informations totalement ou partiellement erronées, par le biais de canaux non contrôlés ou des réseaux sociaux, en ciblant des critères bien précis qui auront un impact modéré sur la sureté nationale ou sur l’opinion public. Utilisée à des fins de propagande, elle peut se révéler être une arme relativement efficace. La Russie semble être une adepte de ces méthodes, qui ne peuvent être associées à un pays, car elles sont difficiles à détecter et à attribuer, risquant d’entrainer des tensions diplomatiques. Cependant, plusieurs rapports documentent l’usage de la désinformation lors de l’annexion de la Crimée par la Russie. En qui concerne l’arctique la désinformation russe pourrait nuire aux intérêts canadiens, en créant des discordes dans l’opinion publique ou en influençant des marchés bénéfiques aux Russes. Cette approche est évoquée dans la note stratégique de Whitney Lackenbauer.
Bien que le gouvernement canadien ait mis en place des mesures pour limiter l’impact de la désinformation, le défis reste immense. Dans un univers numérique comme le nôtre, il est extrêmement difficile de contrôler les fausses informations qui sont diffusées à travers le monde. Les actions rapides de réponse établie par le gouvernement canadien ne suffisent pas à limiter l’impact de celle-ci sur les communautés.
Le développement militaire, un enjeu devenu nécessaire pour le gouvernement canadien
Le Canada a récemment reconnu l’importance d’une remilitarisation des forces dans la région afin de se préparer à toute Éventualité. Il a également évoqué sa volonté d’améliorer le NORAD, afin de pouvoir répondre aux problèmes futurs posés par l’évolution de l’aviation, tout en protégeant les frontières et en assurant la sécurité nationale. En 2015, le gouvernement a lancé le projet GBDA (système de défense aérienne basée au sol). Mais ce projet n’est pas suffisant face aux nouvelles technologies militaires de certains pays. Les forces armées canadiennes sont dépendantes des Américains, le NORAD qui est commandé par les États-Unis assure la sécurité permanente de l’espace aérien. Mais ce n’est pas suffisant, il faut prévoir un système basé sur le territoire et orienté vers l’Arctique.
Cette vision est également partagée par le ministère de la défense des États-Unis à travers une nouvelle stratégie pour l’arctique, publié le 21 juin 2024. La région du grand nord arctique semble devenir le nouveau point de surveillance pour les États-Unis et ses alliés. Le Canada, les États-Unis, ainsi que d’autres pays arctiques démontrent une volonté d’accentuer leurs présences militaires dans la région, justifiant cette prise de position par le fait que le monde traverse une période délicate au cœur de laquelle les tensions géopolitiques mondiales sont omniprésentes. Cependant le Canada se trouve dans une situation délicate. Ses capacités militaires sont limitées, en partie à cause d’une politique de financement militaire qui considère que le pays, en raison de sa position géographique, ne serait pas vulnérable à une attaque directe. Aujourd’hui, cette perception est remise en question à mesure que les tensions dans le Grand Nord arctique s’intensifient. Le manque de moyen est un obstacle majeur, obligeant le pays moderniser ses forces et à développer une présence dissuasive dans la région.
Recommandations et considérations pour le Canada
Le Canada, confronté à la montée des tensions géopolitiques en Arctique, doit renforcer ses capacités pour protéger ses intérêts et ceux de ses alliés. Le pays doit prendre en considération le fait qu’un nouvel ordre géostratégique risque de voir le jour, dans lequel l’Arctique sera le théâtre d’actions militaires et diplomatiques. L’anticipation est le nerf de la défense, il faut anticiper une crise, cela ne veut pas dire qu’elle va arriver, mais que lorsqu’elle arrivera, le pays sera en mesure de faire face à celle-ci. Le retard militaire du Canada se remarque dans tous les domaines. Il est impératif pour le pays de réévaluer sa politique de défense, en considérant un financement conforme aux recommandations de l‘OTAN, à hauteur de 2% du PIB. En parallèle Il doit renforcer sa capacité d’interception des missiles et des aéronefs, particulièrement dans les régions éloignées et à risque. Cela inclut, la modernisation du NORAD en accord avec les États-Unis, l’acquisition de système de défense sol-air et l’implantation de bases de défense avancée pour une protection renforcée en cas de conflit de haute intensité. Il doit également réévaluer sa capacité de protection de ses frontières maritimes et assurer une présence militaire dissuasive en Arctique.
L’émergence des nouvelles méthodes de désinformations, oblige le Canada à se doter d’une politique de lutte contre celles-ci. La guerre en Ukraine a mis en lumière de nouvelles méthodes de désinformation associées à l’intelligence artificielle, et il ne serait pas surprenant de voir la Russie les utiliser pour déstabiliser le Grand Nord arctique. Le programme d’actions rapides contre la désinformation établie par le gouvernement pourrait être un bon moyen d’action, permettant de contenir les fausses informations qui pourraient circuler sur les réseaux ou à travers les communautés de l’arctique.
Enfin, Le Canada pourrait renforcer ses positions stratégiques en ouvrant ses bases à des pays de l’OTAN pour une protection collective. Cela permettrait d’avoir des forces militaires rapidement disponible, tout en compensant le manque de moyens actuels alloués par le gouvernement à la protection du territoire arctique. De plus le Canada bénéficie d’une solide expertise en matière d’opérations militaire en milieu polaire et de stratégies adaptées aux conditions extrêmes de la région. Cette approche pourrait s’inscrire dans la volonté commune des pays de l’arctique de renforcer leurs moyens pour prévenir toute éventualité dans cette région du monde.
Les commentaires sont fermés.