Quelle était la place de l’arme nucléaire française dans la vie politique après la Guerre froide ?
À première vue, cette question pourrait sembler marginale, voire obsolète. Après tout, depuis les années 1990, le « second âge nucléaire » a vu une relégation de l’arme nucléaire au second plan des priorités stratégiques européennes. Éclipsée par des menaces perçues comme plus immédiates, telles que le terrorisme ou les crises migratoires, cette thématique paraît parfois ancrée dans une époque révolue, celle des tensions bipolaires de la Guerre froide.
Et pourtant, réduire l’arme nucléaire française à un reliquat stratégique serait une erreur de perspective. Cet artefact, à la fois militaire et politique, occupe une place unique dans l’identité nationale et institutionnelle de la France. Indissociable du pouvoir présidentiel, il dépasse sa fonction dissuasive pour incarner un symbole de souveraineté nationale. Comme l’illustre une certaine vulgate de la geste gaullienne – que l’on peut admirer dans toute sa solennité à l’historial Charles de Gaulle aux Invalides ou, plus sarcastiquement, dans des œuvres telles qu’Au service de la France ou OSS 117 –, l’arme nucléaire en France relève autant du politique que du stratégique.
Cette dimension mémorielle ne s’est pas figée lors de l’après-Guerre froide : chaque président de la Ve République, de François Mitterrand à Emmanuel Macron, a mobilisé ce symbole, parfois de manière explicite, pour asseoir sa stature. Qu’il s’agisse de discours doctrinaux, de décisions concrètes ou même d’allusions subtiles, l’arme nucléaire reste un outil de légitimation et de crédibilité pour le chef de l’État, garant ultime de l’intégrité et de la sécurité nationales.
Dans cette analyse, je propose d’explorer la trajectoire de l’arme nucléaire dans la vie politique française de 1991 à nos jours. Trois dynamiques se dégagent : son effacement progressif dans les années 1990, une période d’acculturation politique et stratégique, puis son retour en grâce dans le cadre de menaces renouvelées. Ces évolutions ne se contentent pas de refléter les débats stratégiques, elles révèlent aussi des mutations plus profondes des institutions républicaines et des évolutions de la vie politique française en général.
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