Durant plusieurs décennies, le Canada, allié privilégié des États-Unis, a dépendu de son hégémonie pour assurer sa protection. Toutefois, la réélection de Donald Trump et sa politique axée sur les priorités nationales ont mis en évidence des tensions dans l’unité et l’alliance entre les deux nations. Le Canada et les États-Unis partagent de nombreux avantages en matière de défense, tels que le NORAD et la protection des intérêts internationaux dans l’Arctique. Pourtant, l’année 2025 s’ouvre sur des tensions croissantes entre les deux voisins, alimentées par la posture interventionniste du 47e président des États-Unis, en particulier sur la question de l’immigration.
La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de 2024 a marqué un tournant majeur dans la politique de défense des États-Unis, avec une détermination renouvelée à réduire l’engagement militaire américain envers les alliés qui ne remplissent pas leurs obligations financières, mais également une volonté annexionniste à l’égard du Canada. L’objectif principal de la manœuvre politique de Donald Trump sur le sujet est simple. Il souhaite que tous les pays membres de l’OTAN consacrent au moins 2 % de leur PIB aux dépenses militaires. En 2024, le Canada était l’un des deux seuls pays, avec la Belgique, à ne pas avoir atteint cet objectif. Le pays affichait un taux de participation de 1,37 % de son PIB, soit 0,73 % de moins que la moyenne. Cet investissement considérable, représentant environ 16 milliards de dollars sur les 2 168 milliards du PIB canadien, survient dans un contexte national marqué par l’annonce de la démission du Premier ministre, Justin Trudeau, le 4 janvier 2025, et l’arrivée au pouvoir de son successeur, qui semble vouloir redéfinir la relation entre les deux pays. C’est une nouvelle ère semble s’ouvrir pour le pays, marqué par une volonté d’indépendance du Canada à l’égard de son plus proche allié.
L’année 2025 s’annonce être un défi majeur pour le Canada, qui a dû faire face dès février aux conséquences du protectionnisme américain imposé par le président élu. Ce dernier n’a pas arrêté de montrer sa volonté de réduire l’engagement des États-Unis dans la défense des intérêts étrangers. La pression exercée par le président américain renforce l’incertitude quant à l’avenir de la coopération bilatérale. Celui-ci a également évoqué à plusieurs reprise le fait qu’il souhaitait faire du Canada le 51ème état américain, révélant ainsi une volonté d’annexion à peine dissimulée à l’égard de son plus proche allié. Pour assurer cette manœuvre politique, le président américain n’a pas hésité à employer des sanctions économiques, une forme de coercition économique ayant pour objectif de contraindre le canada à accepter la requête du président américain. Le Canada n’a pas tardé à riposter en imposant à son tour des droits de douane de 25 % sur certains produits en provenance des États-Unis.
Cette détérioration des relations internationales fait peser un risque sur la défense nationale canadienne, notamment en ce qui concerne le « NORAD », système radar crucial pour la surveillance et la protection du ciel au-dessus de l’Amérique du Nord, sur lequel le Canada continue de compter fortement.
Cette note politique a pour objectif d’analyser les défis de sécurité nationale soulevés par la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Elle mettra en évidence les enjeux clés auxquels le gouvernement canadien devra faire face au cours des quatre prochaines années. Dans un contexte géopolitique en mutation constante, caractérisé par des changements dans les relations de force entre les grandes puissances. Le Canada doit s’attendre à ce que les États-Unis adoptent une politique commerciale plus isolationniste, en privilégiant leurs propres intérêts aux dépens de la coopération internationale.
L’heure est à l’état des lieux des capacités opérationnelles de la nation
Le Canada a longtemps ralenti le développement de sa puissance militaire en estimant que les menaces pour son territoire et ses intérêts nationaux étaient minimisées grâce à l’engagement accru des États-Unis en sa faveur. Cependant, l’année 2025 marque un changement important dans les relations bilatérales entre les deux pays. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump ainsi que sa politique visant à privilégier les intérêts de son propre pays, entraine une dégradation des relations historiques établies entre les deux pays. Cette dégradation vient s’ajouter aux nombreux défis auxquels le Canada doit faire face, ce qui amène le gouvernement canadien à revoir sa politique en matière de défense afin d’assurer la protection de sa souveraineté et de sa population.
Dans un article récemment écrit par Justin Massie et Philippe Lagassé et publié dans le Rubicon, il est souligné que les forces armées canadiennes (FAC) font face à des défis importants en termes de capacités opérationnelles. Le pays manque de 16 000 soldats réguliers, tandis que l’état de préparation du matériel militaire est préoccupant : seuls 45 % de la flotte aérienne serait apte à combattre, contre 46 % pour la flotte navale. Ces chiffres inquiétants s’inscrivent dans un contexte où la détérioration des relations avec Washington pourrait renforcer la pression sur le Canada afin que le pays assure un meilleur entretien du NORAD. Un système de protection, considéré comme étant la pierre angulaire de la défense nord-américaine. Le manque de personnel, le déficit capacitaire et les pressions internationales font ressortir une certaine vulnérabilité dans les aptitudes qu’ont les Forces armées canadiennes à défendre les intérêts de la nation. D’après un tableau interne du ministère de la Défense nationale, seuls 58 % des forces armées canadiennes seraient prêtes à répondre à une demande d’aide des pays de l’OTAN.
Toutefois, l’ancien gouvernement canadien prévoyait d’investir des sommes considérables dans la mise à niveau de ses forces. Le document intitulé « Les dépenses d’investissement prévues dans le cadre de la politique de défense du Canada » révèle une augmentation significative de 51,5 milliards de dollars depuis 2022, faisant passer le budget total de 163,3 milliards à 214,8 milliards de dollars sur les vingt prochaines années. Cette hausse est principalement due au renouvèlement et à la mise à niveau des équipements terrestres, aériens et maritimes de l’armée, ainsi qu’au projet de modernisation du NORAD. Cette dynamique budgétaire est observable dans le budget principal des dépenses de l’exercice 2024-2025, qui prévoit une enveloppe de 30,6 milliards de dollars pour la modernisation du matériel. Un investissement qui semble assuré, étant donné les prises de positions du nouveau premier ministre canadien sur la question de la sécurité nationale.
La défaillance des forces armées canadiennes passe également par l’accumulation des retards dans la livraison des nouveaux équipements. En effet, annoncés en 2017, plusieurs véhicules attendus par les FAC n’avaient toujours pas été livrés en 2024, laissant le matériel dans un état préoccupant. Désormais, il faut attendre 2025 pour commencer à étudier les appels d’offres visant à moderniser les véhicules blindés légers de l’infanterie canadienne. La livraison serait prévue pour 2030.
Le Canada doit concilier l’impératif de rénovation avec les exigences accrues de ses partenaires. Un défi majeur pour le nouveau gouvernement en place qui va devoir travailler sur le sujet, afin d’assurer la protection de la souveraineté du pays et la défense de ses frontières.
La menace des États-Unis et l’impact qu’elle pourrait avoir sur la sécurité nationale
L’année 2025 pourrait marquer un tournant dans les relations diplomatiques entre le Canada et les États-Unis. Le Président américain a récemment mis à exécution ses menaces à l’égard du gouvernement canadien, menaces que le président américain justifie par la mauvaise gestion du flux migratoire et des opiacés de la part du Canada. Cette manœuvre politique de la part du 47ème président des États-Unis alimente les inquiétudes déjà présentes sur les tensions futures entre les deux pays. D’autant que Donald Trump a évoqué l’hypothèse de se retirer de l’OTAN ainsi que de faire un état des lieux de la participation des forces américaines à la protection des pays alliés, tel que le Canada. Bien que cette mesure ne soit pas encore concrétisée, l’imprévisibilité du nouveau locataire de la Maison-Blanche laisse croire qu’elle pourrait devenir une réalité.
Le retrait possible des États-Unis de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord aurait un impact direct sur le Canada, notamment dans la région stratégique du Grand Nord arctique, où les tensions géopolitiques se sont exacerbées depuis le début de la guerre en Ukraine. C’est ce que montre Kim Richard Nossal dans un article récent. Le Canada entretient des liens étroits en matière de défense avec les États–Unis, notamment par le biais du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, mieux connu sous son acronyme « NORAD ». À cela s’ajoutent les demandes de l’administration américaine en matière de financement des infrastructures nécessaires à la protection des intérêts internationaux, en particulier pour le « NORAD. D’autant plus qu’il est crucial que les États-Unis continuent à assurer la présence du NORAD, puisque, sans eux, ce système pourrait devenir obsolète, compte tenu des contraintes budgétaires et matérielles qu’il entraine.
L’ancien gouvernement de monsieur Justin Trudeau avait lancé un plan ambitieux de financement pour la modernisation des moyens permettant d’assurer une protection contre les nouvelles technologies développées par des puissances étrangères, telles que la Russie ou encore la Chine. Ce plan a d’ailleurs fait l’objet d’une intervention de la part du nouveau Premier ministre canadien, afin d’annoncer le développement d’un radar transhorizon en partenariat avec l’Australie. Cependant, le bilan des forces armées canadiennes reste le même, indiquant une stagnation des compétences militaires, mettant en lumière « l’impossibilité » pour le pays de se protéger de manière autonome face à ces menaces croissantes. Un défi organisationnel se pose pour le pays, d’autant que celui-ci doit assurer sa participation aux missions interarmées de protection du Grand Nord arctique ainsi qu’aux intérêts internationaux liés à l’OTAN.
Une transition vers une autonomie en matière de défense comme solution face à une politique protectionniste américaine
Malgré d’importants investissements en matière de défense, le Canada accuse un retard significatif en raison d’une politique moins soutenue fondée sur la perception que les menaces pour la sécurité nationale et la souveraineté du pays n’étaient que modérées. Cette approche se justifie entre autres par les liens diplomatiques solides qu’entretient le pays avec plusieurs grandes puissances mondiales, dont quelques-unes sont des hégémons internationaux.
Les Canadiens ont toujours considéré la défense nationale comme secondaire. Selon des enquêtes ou des opinions exprimées sur le sujet, il est clair que les Canadiens ont historiquement dépendu de la puissance militaire des États-Unis pour garantir leur sécurité. Toutefois, la situation a radicalement changé. Aujourd’hui, la menace pour la souveraineté du Canada ne provient plus seulement de l’extérieur des frontières nord-américaines, mais de l’intérieur. Son allié de longue date semble vouloir réduire son engagement, laissant au Canada la responsabilité croissante de sa propre défense.
Face à une convergence accrue de pressions internationales sur le Canada, notamment les exigences de l’OTAN, les attentes des États-Unis, l’escalade des tensions dans l’Arctique et la présence omniprésente de la Russie dans la région circumpolaire. Il ne fait aucun doute que le Canada soit obligé de renforcer son autonomie en matière de défense afin d’assurer et d’assumer ses engagements nationaux et internationaux.
Toutefois, le rapport annuel du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes relatif à l’activité des forces armées canadiennes pour l’année 2023-2024, met en évidence une amélioration des capacités opérationnelles et la réalisation de plusieurs objectifs stratégiques. Cependant, il souligne aussi les failles structurelles persistantes, telles qu’un déficit de personnels, des équipements vieillissants et un manque de ressources financières adaptées aux ambitions du pays.
Le Canada doit continuer à investir et à diversifier ses engagements internationaux, au-delà de sa relation historique avec les États-Unis, afin de garantir une transition durable vers une autonomie militaire qui semble désormais nécessaire. La situation actuelle et les tensions diplomatiques entre les deux pays laissent penser que les États-Unis pourraient réduire leurs participations à la défense du territoire canadien. Ce récent revirement dans les relations diplomatiques entre les deux nations devrait permettre au Canada de renforcer ses alliances militaires en matière de défense avec d’autres pays, ce qui lui permettrait de se distancer des États-Unis et de garantir une certaine indépendance militaire. L’Europe, la France et le Royaume-Uni pourraient être des partenaires de premier plan dans ce projet de grande envergure en raison de leur capacité dans le domaine de l’industrie de la défense et de leur indépendance vis-à-vis de la domination américaine.
Recommandations
L’année 2025 représente un tournant décisif pour la sécurité nationale du Canada, obligeant le nouveau gouvernement à trouver le bon équilibre entre les politiques budgétaires et les investissements considérables dans la défense du pays. Le pays doit devenir plus autonome sur le plan militaire afin de préserver sa souveraineté et de conserver sa place sur la scène internationale. Le gouvernement de Monsieur Carney doit impérativement respecter les engagements pris par ses prédécesseurs envers le ministère de la Défense nationale. Cela nécessite de renforcer les capacités opérationnelles des forces armées canadiennes en tenant compte des investissements nécessaires permettant de garantir la modernisation des équipements.
De plus, il faudrait lancer un plan d’investissement afin d’acquérir de nouveaux brise–glaces. Cela permettrait de renforcer la flotte actuelle et d’assurer ses engagements en matière de protection des frontières nationales dans la région du Grand Nord arctique, une région qui est soumise à de fortes tensions géopolitiques. Il serait également pertinent de relancer l’étude sur l’implantation du bouclier antimissile dans les zones nécessaires de façon à assurer une protection durable et efficace de la population canadienne face aux nouvelles menaces. Une idée qui pourrait voir le jour à la suite de l’annonce du nouveau partenariat entre le Canada et l’Australie portant sur le développement d’un nouveau radar transhorizon, comme l’a annoncé le nouveau Premier ministre lors de son déplacement au Nunavut.
Pour garantir son autonomie militaire vis-à-vis des États-Unis, le gouvernement canadien doit renforcer son industrie d’armements en soutenant les entreprises nationales. Cela permettrait de stimuler la production d’armes sur son territoire et de développer son industrie de productions d’armements afin d’assurer un approvisionnement permanent sans être dépendant de l’industrie américaine ou européenne.
Le Canada devrait également renforcer sa collaboration avec d’autres pays alliés afin de se détacher de la domination américaine sur le sujet de la défense du territoire nord-américain. Cette collaboration pourrait inclure l’acquisition d’équipements militaires européens ainsi que le développement d’une coopération internationale en matière de défense des frontières maritimes, notamment dans la région du Grand Nord arctique. Une diversification des moyens matériels de l’armée permettrait d’éviter que le pays soit soumis aux États-Unis, une hypothèse qui permettrait au canada de se tourner vers les marchés européens. Une autre idée serait d’assembler les avions dans les usines du pays, permettant une réduction des coûts ainsi que le développement de l’économie locale en matière d’armement et de défense, une idée qui a été émise par le Premier ministre canadien. Si cette démarche venait à se concrétiser cela serait une véritable avancée vers l’autonomie militaire recherchée par le canada, mais aucunes informations ne nous permettent à ce stade d’affirmer que cela va se réaliser.
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