C’est finalement avec un an de retard que le gouvernement britannique a publié, en mars dernier, son Integrated Review. Annoncé d’avance comme la plus importante révision de la place du Royaume-Uni dans le monde depuis la fin de la guerre froide, le document couvre tous les aspects de la politique internationale. Le titre de la politique, « Global Britain in a Competitive Age », signale l’ambition contenue dans ses pages. Il s’agit pour Boris Johnson de démontrer qu’en quittant l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni s’est donné toute la latitude nécessaire pour conserver son influence et continuer de jouer un rôle de premier plan dans les affaires internationales. Le document s’accompagne d’un Command Paper, dans lequel le ministère de la Défense offre des précisions sur l’avenir des forces armées et une stratégie pour l’industrie de la défense.
Au moment où le Canada cherche à revoir sa planification stratégique, il est important qu’il prenne acte des décisions prises par l’un de ses plus proches alliés. À cet effet, Ottawa devrait travailler à l’intégration de ses capacités de défense. Repenser les programmes d’acquisitions, entre autres à la lumière de la place grandissante des nouvelles technologies, semble également impératif. Le Canada devra également développer une stratégie cohérente et pragmatique pour encadrer ses actions en Indopacifique, une région qui se trouve au cœur du retour de la rivalité entre grandes puissances.
Le retour de la compétition géostratégique
Le constat que pose le document sur l’état de l’environnement stratégique est pessimiste : la multipolarité s’accroît et les menaces qui pèsent sur le Royaume-Uni augmentent. De toutes, la menace provenant d’acteurs étatiques est jugée la plus importante, un changement de paradigme par rapport à sa précédente politique de défense. La Corée du Nord et l’Iran sont mentionnés, mais la Russie demeure, pour Londres, la menace la plus aigüe et la plus directe, autant par ses capacités nucléaires que par sa maîtrise des activités en zone grise. Il reste que c’est la Chine qui préoccupe surtout le Royaume-Uni, à en juger par cette nouvelle politique stratégique. Elle est décrite comme une compétitrice systémique qui représente la plus grande menace à la sécurité économique du Royaume-Uni, l’accroissement de sa puissance devenant un défi pour la sécurité, les valeurs et le système politique de Londres et de ses alliés. Le document reflète malgré tout l’ambivalence qui règne au sein de la classe politique quant à la posture à adopter. En effet, le gouvernement britannique finit par ménager la chèvre et le chou en admettant que la relation avec la Chine soit faite de confrontation et de coopération. En cela, le Royaume-Uni adopte une position similaire à celle des États-Unis.
Face aux défis que posent des États comme la Russie et la Chine à l’ordre international, le Royaume-Uni juge que défendre le statu quo n’est plus suffisant. Il annonce donc vouloir activement travailler à façonner l’ordre international de demain. Pour y arriver, Londres compte sur le fait que les grandes et moyennes puissances pourront jouer un rôle important dans le futur si elles arrivent à collaborer entre elles. Le Royaume-Uni souhaite donc occuper une place centrale dans l’action collective d’États partageant les mêmes idées que lui, ce qui laisse présager une augmentation des formats de coopération en « minilatéral ». Londres cherche à s’affirmer comme leader de la sécurité dans la région euro-atlantique. À cet effet, elle poursuit le développement du UK Joint Expeditionary Force dont 10 États sont membres. La Défense a aussi réaffirmé que les forces armées continueraient leur participation au programme de présence avancée en Europe de l’Est et en mer Baltique de l’OTAN. Dans le même temps, le Royaume-Uni accroît sa contribution à la mission de l’OTAN en Irak et envoie 300 soldats à la mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali.
Mais la nouvelle la plus importante reste le retour de la Grande-Bretagne à l’Est de Suez. L’importance croissante de l’Indopacifique se manifeste par une nouvelle stratégie d’implantation de bases militaires, la signature récente d’accords de défense avec le Japon et l’Inde, et le déploiement du nouveau porte-avions HMS Queen Elizabeth dans la région. Ce dernier sera accompagné de navires américain et néerlandais, en plus de participer à des exercices avec plusieurs alliés européens et asiatiques. Au-delà de ce déploiement, des navires de patrouilles extracôtiers seront stationnés de façon permanente dans la région. Le nombre d’attachés militaires et de diplomates en poste en Asie du Sud-Est est également en augmentation. Surtout, le Royaume-Uni entend coopérer étroitement avec son plus proche allié, les États-Unis. Londres vise un rapprochement encore plus important avec Washington, en particulier au sein d’organisations comme le Groupe des cinq (Five Eyes) et l’OTAN. L’accent mis sur l’Alliance atlantique et les démocraties libérales dans la politique britannique suggère qu’un des objectifs de la stratégie britannique est de rassurer l’administration Biden sur le sérieux de son engagement envers l’ordre international. Aussi, cela signifie que la sécurité transatlantique restera la priorité du Royaume-Uni, quelle que soit sa rhétorique sur l’Indopacifique.
Si la coopération avec plusieurs États européens est mise de l’avant – plus précisément avec la France, l’Allemagne et l’Irlande – presque aucune mention n’est faite de l’UE. Nonobstant l’acrimonie résiduelle liée au Brexit, le Royaume-Uni ne pourra pas faire autrement que de travailler avec l’UE sur les principaux enjeux mis de l’avant dans sa nouvelle politique stratégique. Il est donc étrange que Londres ne fasse pas mention de l’UE en ce qui a trait à l’Indopacifique, et ce alors qu’elle vient de publier sa propre stratégie relative à cette région. Même constat sur la question de la sécurité dans la région euro-atlantique, où l’UE semble vouloir coopérer davantage, et pourrait devenir une interlocutrice privilégiée de la Maison-Blanche en la matière.
Une politique de défense pour l’ère de l’information
Le Royaume-Uni reconnait l’importance croissante des nouveaux types de menaces technologiques. Il fait face à des adversaires qui, par leur recours aux activités sous le seuil de la guerre, brouillent la frontière traditionnelle entre les domaines civil et militaire, mais aussi entre la guerre et la paix. Dans ce contexte, le gouvernement et les forces armées ont mis en place de nouvelles approches de sécurité nationale, notamment par la poursuite d’une approche pangouvernementale qui implique autant la défense que la diplomatie, ou encore le commerce, l’aide au développement et le renseignement. Cela se matérialise déjà par la fusion entre les ministères des Affaires étrangères et du Développement, décidée en 2020.
Le ministère de la Défense poursuit le travail entamé dans le récent Integrated Operating Concept. Comme son nom l’indique, cette nouvelle approche vise à intégrer les cinq domaines (armée, marine, aviation, espace, cyber) des forces armées du Royaume-Uni, à associer ces dernières aux autres branches de l’État et à rendre interopérables les actions entreprises par le Royaume-Uni et ses alliés en matière défense. L’intégration fait référence à l’utilisation conjointe des capacités navales, aériennes, spatiales et cybernétiques dans des opérations multi-domaines. C’est d’ailleurs dans ces domaines que l’essentiel des investissements est réalisé. En travaillant à faire passer les forces armées de l’ère industrielle à l’ère des systèmes d’information, l’objectif reste en grande partie de dissuader d’éventuels adversaires. L’importance accordée aux capacités sous le seuil et à la résilience sociétale élargit cependant la portée de la dissuasion. Cela implique une nouvelle posture de force, plus affirmée, plus dynamique et un déploiement avancé et continu. L’ensemble doit permettre une capacité d’adaptation susceptible de permettre une prise de décision plus efficace et une meilleure rapidité d’action.
La création de la National Cyber Force (NCF) constitue un pas vers l’intégration de l’ensemble des branches de l’État. Son unicité est qu’elle rassemble des éléments des forces armées (dont un régiment dédié à la guerre cybernétique), du renseignement et des départements civils de l’État. L’agilité institutionnelle de la NCF signifie que l’ensemble des ressources peuvent aussi être mises au service d’opérations, tant défensives qu’offensives. Elle procure donc un avantage indéniable en permettant de répondre efficacement aux menaces et défis de zone grise que posent des États comme la Russie ou la Chine. L’impact des attaques sur Solarwind ou plus récemment sur Colonial Pipeline illustre l’actuelle fragilité des infrastructures critiques.
La clef de l’intégration et de la modernisation est le développement de capacités technologiques facilitatrices. On parle, entre autres, de traitement des données, d’intelligence artificielle, de bio-ingénierie et de technologies quantiques. Pour ce faire, l’objectif du Royaume-Uni est de devenir un leader en matière de recherche et développement (R&D) dans lequel un investissement de 2,4% du PIB est prévu. Dans le domaine spatial, cela se traduit par la volonté de détenir 10% du marché mondial d’ici 2030. En R&D comme dans le domaine spatial, la sortie de l’UE implique des pertes financières importantes pour les institutions britanniques. Les investissements prévus par Londres pourraient, au final, ne servir qu’à combler ce manque à gagner engendré par le Brexit. La nouvelle stratégie pour l’industrie de la défense va dans cette direction. La pandémie de la COVID-19 met présentement en lumière l’importance de maintenir des capacités de production et une maîtrise souveraine de certaines technologies. De ce fait, le Royaume-Uni décide d’adopter une posture plus protectionniste dans ses programmes d’acquisitions. L’importance de la compétition internationale sera donc pondérée par des considérations de sécurité nationale dans l’attribution des contrats.
Qui profite et qui écope des nouveaux investissements?
Une portion significative des investissements prévus est dirigée vers les forces navales. La Royal Navy veut s’établir comme la première marine d’Europe et renouer avec une capacité de projection globale de sa puissance. Son plan implique l’acquisition de 13 frégates (l’objectif est une flotte de 24 frégates), le remplacement de leur classe de destroyers et le développement d’un nouveau modèle de vaisseaux multi-usage pouvant agir comme plateforme pour l’embarquement de drones. Sont également en développement de nouveaux missiles surface-surface et sept sous-marins. La clef de cette reconfiguration navale est la mise en service de leurs deux nouveaux porte-avions de la classe Queen Elizabeth.
Le remplacement des sous-marins dédiés à la dissuasion nucléaire a aussi récemment été confirmé. Surtout, le Royaume-Uni annonce, dans l’Integrated Review, le développement de nouvelles armes nucléaires et l’augmentation du nombre total de têtes qu’il détient. Ces derniers points seront réalisés en étroite collaboration avec Washington. Il s’agit d’un renversement complet de la posture britannique, qui réduisait son arsenal nucléaire depuis la fin de la guerre froide. Les justifications de ce changement sont très vagues, le Royaume-Uni se contentant de dire qu’il est le résultat de la complexification de l’environnement international et de la croissance des menaces technologiques. Le développement des capacités antimissiles russes pourrait néanmoins en être la véritable raison. Chose certaine, cette décision affecte déjà négativement l’image du Royaume-Uni et fait craindre une augmentation généralisée des stocks nucléaires mondiaux.
La Royal Air Force, quant à elle, continue l’acquisition d’avions de combat F-35. Leur nombre total a néanmoins été revu à la baisse, tant et si bien que des appareils américains sont présentement embarqués sur le porte-avions Queen Elisabeth pour son déploiement en Indopacifique. Cela pourrait être appelé à se perpétuer dans le temps. Cette décision s’explique sans doute par le fait que la RAF travaille déjà sur un chasseur de 6e génération, dont la mise en service est prévue pour 2035, et qui serait doté de technologies de radar à haute vitesse et d’intelligence artificielle. Elle investit également dans des drones, autant pour soutenir les chasseurs, que pour les remplacer éventuellement. Par ailleurs, un commandement spatial existe maintenant au sein de la RAF avec pour objectif de devenir un acteur important dans ce domaine plus contesté que jamais. Ce sont 1,4 milliard de livres qui seront investies dans ce domaine. Londres cherche à, d’une part, se protéger des menaces spatiales à l’aide de systèmes basés sur terre et dans l’espace. D’autre part, elle cherche à s’assurer un accès autonome à l’espace, ce qui devrait être réalisé en 2022 avec la mise en orbite de satellites. Avec cette capacité de lancement, le développement d’un système britannique de positionnement par satellites – qui coopérait avant le Brexit au système européen Galileo – pourrait voir le jour. À terme, Londres souhaite détenir l’habileté de surveiller et défendre les intérêts britanniques dans et à travers l’espace.
L’ensemble de ces mesures est soutenu par une augmentation substantielle du budget de la défense qui passera à 2,2% du PIB. Le programme d’acquisition de nouvelles capacités est estimé à près de 24 milliards de livres sur quatre ans, soit le plus important investissement depuis la fin de la guerre froide. Le Royaume-Uni se hisse donc au 5e rang des États en termes de dépenses militaires. Cependant, des coupes ont dû être réalisées afin de réinvestir dans ces nouveaux programmes. L’armée de terre est celle qui écope le plus au sein des forces armées, ses effectifs étant réduits de 10 000 hommes. Un autre secteur où des coupes étaient attendues est celui de l’aide au développement. La dernière révision des dépenses a réduit l’APD de 0,7% à 0,5% du PIB, soit une réduction budgétaire de 25 à 30 milliards de livres d’ici 2025. Ce dernier point va à contrecourant de l’approche pangouvermentale énoncée, en réduisant l’influence diplomatique et politique de Londres. Cela pose nécessairement la question de la capacité des forces armées de répondre à des enjeux de plus en plus divers et non militaires.
Une vision trop ambitieuse ?
La nouvelle politique britannique est donc une stratégie globale qui ne fait aucun compromis vis-à-vis ses engagements. Concrètement, trois points laissent planer un doute sur la faisabilité de l’Integrated Review. D’un, Londres fait le pari qu’un virage vers la haute technologie permettra à ses forces armées de conserver un avantage vis-à-vis de potentiels adversaires. Ce choix implique une explosion des coûts d’acquisitions et, à terme, une dépendance technologique accrue au niveau opérationnel. À cet égard, le professeur Peter Roberts se demande si le Royaume-Uni se prépare pour le conflit qu’il souhaite mener ou celui qu’il devra mener. De deux, le corollaire du virage technologique est un choix de la qualité sur la quantité. Le personnel en uniforme de l’armée, par exemple, descendra à 73 000 en termes d’effectifs. Bien qu’historiquement bas – du jamais vu depuis le 18e siècle –, le problème des effectifs apparait lorsque les déploiements augmentent au même moment. La question est peut-être davantage criante pour la Royal Navy. Déjà, il n’est pas garanti qu’elle pourra utiliser pleinement ses nouveaux porte-avions, faute de posséder le nombre suffisant d’avions embarqués et les vaisseaux d’escorte nécessaires. Il sera difficile de jouer parallèlement un rôle significatif dans les régions indopacifique et euro-atlantique. De trois, la question financière est celle qui demeure la plus préoccupante et qui amène la communauté internationale à demeurer sceptique. Le Bureau national d’Audit jugeait déjà inabordable le plan du ministère de la Défense pour s’équiper. La question des finances publiques post-COVID-19 représente aussi un enjeu de taille et la Défense pourrait en subir les conséquences. Difficile de savoir ce qui sera conservé si les moyens viennent à manquer, car l’absence de compromis s’accompagne d’un manque de clarté quant aux priorités selon les domaines (spatial, cyber, maritime, etc.). À ce titre, Londres semble avoir dérogé à la définition donnée par John Lewis Gaddis de la grande stratégie, soit « le processus par lequel les fins sont liées aux moyens, les intentions aux capacités, les objectifs aux ressources. ». Dans ces conditions, il est raisonnable de se questionner sur la manière dont Londres pourra articuler une stratégie d’action cohérente.
Recommandations et considérations pour le Canada
Le travail entrepris par le Royaume-Uni, aussi exhaustif qu’ambitieux, confirme des tendances déjà observées dans les dernières politiques d’autres alliés du Canada, comme l’Australie. Ottawa doit savoir en tirer des leçons afin de mieux appréhender le futur de ses relations internationales. Premièrement, les trois plus proches alliés du Canada – les États-Unis, le Royaume-Uni et la France – tournent maintenant leur attention vers la région indopacifique. Malgré qu’elle soit devenue le nouveau « centre du monde », le Canada n’a toujours pas publié de documents élaborant le rôle qu’il entend y jouer. La présence ponctuelle du Canada en mer de Chine et la récente entente de coopération en matière de sécurité avec le Japon indiquent que le Canada souhaite travailler avec ses partenaires de la région. Si le Canada semble vivre son « moment Indopacifique », il doit s’y avancer avec précaution. En effet, la région est au cœur des tensions entre grandes puissances et les risques de se retrouver pris dans un conflit sont grands. Aussi, Ottawa ne dispose que de capacités réduites. Une présence accrue en Asie est susceptible de compromettre ses engagements en Europe et dans le Grand Nord, où le Canada est à même de jouer un rôle notable. Ne pas commettre la même erreur de surengagement que le Royaume-Uni est, en ce sens, impératif. Sans s’engager trop rapidement en Indopacifique, le Canada devra tout de même aborder l’épineuse question de sa relation avec la Chine. L’ambivalence canadienne à l’égard du gouvernement n’a plus sa place. Ne pouvant agir seul face au géant chinois, le Canada doit, plus que jamais, s’associer à d’autres démocraties libérales pour espérer tirer son épingle du jeu.
Deuxièmement, il est nécessaire de penser et de mettre en place une approche pangouvernementale en matière de défense et de sécurité. Le budget fédéral récemment déposé par le gouvernement reste malheureusement muet sur ces questions. Il est pourtant indispensable qu’Ottawa débute une réflexion digne de ce nom en politique étrangère – le dernier livre blanc sur la question remonte à 2005 – suivi d’un investissement en conséquence. Les forces armées, pour leur part, ont amorcé un virage bienvenu vers l’ère de l’information. L’utilisation de nouvelles technologies par les forces armées ne doit pas nécessairement se transformer en dépendance vis-à-vis de celles-ci, ce qui pourrait arriver au Royaume-Uni. L’exemple de la France représente un modèle alternatif pertinent quant à l’utilisation de la technologie et son incorporation dans les moyens militaires et non militaires. Face aux nouvelles menaces cyber, de désinformation ou d’ingérence dans les élections, c’est cependant l’ensemble de l’appareil étatique qui devra travailler de concert afin de défendre les intérêts canadiens. Pour ce faire, le Canada devra s’appuyer sur les nouvelles technologies. S’il peut se targuer d’avoir une avance dans certains domaines comme l’intelligence artificielle, il faudra à l’avenir investir en R&D et s’assurer de maintenir des capacités de production souveraines, dont l’importance a été réitérée maintes fois durant la pandémie. Le Canada peut s’inspirer ici de la nouvelle politique industrielle britannique qui juge important de supporter l’industrie nationale et de conserver un savoir-faire et des capacités souveraines. À noter que l’Australie et l’Allemagne ont récemment fait un choix semblable.
Troisièmement, le Canada doit revoir la manière dont il conduit ses programmes d’acquisitions. D’une part, la rapidité de l’évolution technologique actuelle entre en contradiction avec ses processus traditionnellement longs et visant l’achat de plateformes qui sont pensées pour être en service pendant des décennies. Le risque, en ce sens, est de voir un achat devenir plus rapidement désuet. Le Royaume-Uni planifie ainsi déjà le développement du chasseur de 6e génération qui remplacera ses F-35 (5e génération) alors que le Canada tergiverse encore sur le modèle qui remplacera ses vieux CF-18 de 4e génération. La Défense nationale doit miser sur des systèmes et un processus d’acquisitions plus flexibles qui s’adapteront mieux aux percées technologiques. D’autre part, une meilleure supervision et reddition des comptes des projets d’acquisitions apparait inévitable. Le récent rapport du Directeur parlementaire du budget sur le programme des nouvelles frégates canadiennes est révélateur. Maintenant estimé à 77 milliards de dollars, le coût total a triplé depuis ses débuts. Par ailleurs, l’opacité entourant le contrat et l’absence de redevabilité des décideurs minent la confiance envers les institutions. Les finances publiques seront sous pressions suite à la pandémie et des choix difficiles devront être faits au sein des forces armées. De nombreux navires et aéronefs devront être remplacés dans les prochaines années si le Canada souhaite maintenir ses capacités, notamment ses sous-marins et des brise-glaces. Il est grand temps que le Canada entreprenne une discussion sur ces enjeux, aussi complexes qu’importants, s’il souhaite rester pertinent sur la scène internationale.
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