Le changement climatique, dû à une hausse de la concentration de gaz à effets de serre (GES), est un facteur impactant l’ensemble des aspects de la vie en Arctique. Il impacte notamment son climat très sensible et ses systèmes hydro et écologique. L’une des particularités du réchauffement climatique est qu’il se renforce à mesure qu’il se rapproche des latitudes élevées, et donc des deux hémisphères de la planète. Ces régions se réchaufferaient à un rythme deux fois plus rapide que dans le reste du monde ; or elles constituent le régulateur climatique de toute la planète. De ce fait, il est forcément impactant pour chaque pays arctique, dont le Canada. En effet, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) explique la certitude d’un réchauffement global à +1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle et la grande probabilité d’atteindre les +2°C. Dans tous les cas, et encore plus dans le cas de l’Arctique, cela présente des risques pour « la santé, les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en eau, la sécurité humaine et la croissance économique ».
Les premières conséquences de ce réchauffement dans la région sont la fonte de la banquise et du dégel du pergélisol, ce qui enclenche de nombreuses réactions en chaîne de conséquences désastreuses. Le paradoxe de cette région est que ces changements constituent la fois une menace et une opportunité. D’abord, c’est une catastrophe environnementale menaçant tous les pays de multiples manières (par exemple les incendies, inondations, épidémies, famines, migrations). D’autre part, cela s’avère créer de nombreuses nouvelles possibilités stratégiques, en particulier pour les pays arctiques, ainsi que ceux qui se revendiquent « du proche Arctique » (par exemple la Chine). Ce point chaud souligne donc certains impacts directs du changement climatique pour le Canada à la fois comme menace et opportunité, ainsi que les impacts découlant de l’attractivité montante de l’Arctique (par exemple les opportunités économiques).
Différents impacts du réchauffement climatique en Arctique touchant le Canada
Avec ce réchauffement climatique, les enjeux en Arctique sont multiples pour le Canada. Premièrement, la fonte de la banquise permet de faciliter l’accès aux ressources naturelles de la région arctique et donc leur exploitation. On sait que cette région regorge de minerais (par exemple les diamants, l’or, le plomb, le zinc, le nickel, l’uranium, le fer, les terres rares), mais des chiffres hypothétiques sur des réserves d’hydrocarbures dans les sous-sols arctiques, comme le gaz et le pétrole, ont également été mentionnés. Le pôle Nord abriterait 13% des réserves mondiales de pétrole et 30% de celles de gaz.
De plus, la mer arctique est riche en ressources halieutiques dont l’exploitation par les activités de pêcheries sera plus facile d’accès. En effet, il est normalement nécessaire d’utiliser des bateaux spéciaux ainsi que des brise-glaces pour pratiquer la pêche dans cette région. Cependant, la diminution de la glace et sa possible disparition pendant la période estivale d’ici la fin des années 2030 vont permettre un accès plus facile et à plus d’acteurs. En revanche, l’accentuation d’une pêche intensive dans cette région peut grandement contribuer à la raréfaction des ressources, causant de sérieux dommages environnementaux et à l’approvisionnement des populations locales (dont les populations canadiennes). Les problèmes de variation de la circulation thermohaline de l’eau, responsable de la circulation des courants d’eau sur la planète (la densité de l’eau est affectée à la fois par sa température et par son taux de salinité) affecteront entre autres les ressources halieutiques et toute la faune arctique. Cela aura également pour conséquence de rendre l’accès à la nourriture plus difficile pour les populations locales canadiennes. Ainsi, dans un premier temps, les ressources halieutiques seront plus accessibles à la pêche canadienne grâce à la diminution de la glace. Néanmoins, dans un deuxième temps, les effets néfastes évoqués ci-haut vont mettre ces populations en difficulté pour s’alimenter et s’autosuffire avec les ressources disponibles ainsi que leur accès par la terre ou la glace. Contribuera aussi à ce phénomène de raréfaction des ressources inévitablement dans les eaux canadiennes la probable densification des activités de pêche internationale dans la région.
L’impact du réchauffement climatique et de la crise environnementale sur les ressources ainsi que l’engouement qu’il suscite pour l’exploitation des ressources naturelles arctiques provoque des effets néfastes. Ces facteurs contribuent d’une part simultanément à la dégradation accélérée de l’environnement arctique tout en altérant le renouvellement des ressources naturelles (comme la faune et la flore marine ou terrestre) tel un cercle vicieux autoentretenu. Ces effets ne s’arrêtent pas aux barrières nationales de par leur caractère diffus. De plus, cela impacte la vie ou la survie des populations canadiennes locales dans la satisfaction de leurs besoins primaires.
L’on sait aussi que cette fonte de la glace donne logiquement naissance à plusieurs potentielles routes maritimes nationales et internationales, notamment le passage du Nord-Ouest du côté Canada et des États-Unis, et la Route maritime du nord du côté de la Russie (nord-est) entre les océans Atlantique et Pacifique. Un troisième passage moins connu est le Pont arctique reliant les ports de Moscou (Russie) et Churchill (Canada), utile pour acheminer le pétrole russe sur les marchés nord-américains. Enfin, une route transpolaire coupant l’Océan Arctique est aussi envisagée. Le trafic maritime va connaître une grande intensification grâce à ces routes pour différentes raisons : premièrement pour l’exploitation de différentes ressources mentionnées plus tôt. Ensuite, l’affluence croitra pour profiter des raccourcis qu’offrent les routes maritimes évoquées qui permettent de relier, par exemple dans le cas du passage du Nord-Ouest côté Canada, l’Europe et l’Asie. En effet, cela constitue une route de 30% à 40% plus courte que les itinéraires passant par le canal de Suez ou le détroit de Panama. À ces perspectives de navigation commerciales et industrielles facilitant les échanges, s’ajoute aussi une possibilité de croissance au niveau des croisières touristiques dans la région. Il est donc facile de prévoir plus de passages dans les eaux territoriales du Canada non soumises « aux droits de passage inoffensif et de transit ».
Il est également à noter que cette facilitation d’accès à ces routes maritimes rend paradoxalement la navigation encore plus dangereuse et aléatoire dans ces zones à cause de la multiplication des icebergs et des polar lows (cyclones imprévisibles se formant au-dessus de zones libres de glace). Cela augmente le risque d’accident pour les bateaux ou de catastrophe naturelle selon ce que comporte sa cargaison (risque de marée noire ou d’extrême pollution). S’ajoute aussi le développement d’autres centrales nucléaires flottantes, comme l’a fait la Russie pour la première fois en 2019, pouvant causer de forts dégâts environnementaux en cas d’accidents. En revanche, la navigation en Arctique présente aussi des contraintes commerciales fortes qui impactent la rentabilité du transport. Bien que les distances soient plus courtes, elles demandent aux bateaux plus d’efforts (et donc une grande consommation de carburant) et une vitesse moindre pour parvenir à destination. De plus, le peu, voire l’absence de destinations portuaires secondaires dans cette zone, rend de si longues distances parcourues moins rentables économiquement. De même, on compte aussi les coûts élevés qui s’ajoutent comme les coûts d’assurance (difficultés d’intervention dans les conditions arctiques et régions maritimes à haut risque), ou les services de brise-glaces facturés par la Russie.
Les changements climatiques permettent donc au Canada de voir de potentielles nouvelles routes maritimes se former et devenir plus accessibles, mais les rendent aussi dangereuses à cause des incertitudes liées à la dérive des icebergs. Cela implique donc une intensification des navigations dans ses eaux territoriales. Pour l’instant, le Canada peut continuer à refuser le passage de bateaux étrangers au niveau du passage du Nord-Ouest pour les navires présentant un risque pour l’environnement. En effet, les navires sont en eux-mêmes une augmentation de risques : sources de pollution (liées aux passages ou aux marchandises en cas d’accident), d’accidents en tous genres (collisions, dommages causés par la glace, chavirages, échouements, naufrages) et d’infractions concernant les règles de navigation ou de délimitation du territoire canadien. Est aussi rendue possible la navigation d’une route bordant le littoral lui permettant d’accéder à un plus grand nombre de zones reculées et jusque-là très difficiles d’accès. Il sera donc à la fois possible de les rejoindre afin de ravitailler les populations canadiennes locales, et plus facile de développer un commerce maritime avec elles. Est à souligner le fait que ces nouvelles routes seront accessibles à un nombre supérieur de types de bateaux en raison des conditions moins extrêmes de navigation (par exemple le besoin en brise-glaces limités).
Les populations arctiques, dont celles du Canada, sont aussi mises à mal par le réchauffement climatique. Une grande préoccupation concerne la fonte des glaces et du pergélisol. L’Arctique est une formidable réserve d’eau potable et la glace est un excellent piège pour capturer les agents toxiques circulant dans l’eau depuis des décennies. La fonte de la banquise met en péril une partie des réserves d’eau potables tout en libérant ces agents jusqu’alors prisonniers. Conséquemment, ils contaminent l’eau douce qui circule dans cette région que les populations canadiennes consomment et dont ils se servent quotidiennement. La fonte des glaciers et du pergélisol augmente aussi le niveau de l’eau, ce qui peut amener les côtes maritimes habitées et construites à se retrouver sous le niveau de la mer et donc détruites.
De son côté, le dégel du pergélisol n’est pas en reste sur les conséquences négatives que subiront les populations arctiques. Sa glace lui conférant sa propriété isolante et étanche, elle permettait aux lacs naturels d’eau douce d’être maintenus, et aux terres d’être solides pour accueillir la construction d’infrastructures nécessaire au développement de la vie dans la région. Avec la disparition de leur couche glacée, les sols perdent leurs propriétés étanches et solides. En conséquence, les réserves d’eau douce contenues dans les lacs seront amenées à disparaître, rendant l’accès à cette ressource de base pour les populations encore plus difficile à trouver. Les sols, quant à eux, en deviendront instables et marécageux. Cela remet alors en cause toute construction stratégique ou liée au développement de la région (ponts, rails, routes, bâtiments). Les émanations de gaz à effet de serre jusqu’alors prisonnières du sol s’échapperont, alimentant le réchauffement climatique et ses conséquences.
Considérations politiques et recommandations pour le Canada
Concernant la première préoccupation environnementale liée aux ressources et à la pollution, le Canada pourrait penser à instaurer ou à renouveler les règles concernant les quotas de pêche pour la pêche nationale dans les eaux canadiennes arctiques. Mais il devrait aussi essayer de proposer une régulation préventive des activités aux instances de gouvernance internationale arctique desquelles il est membre telles que le Conseil de l’Arctique ou la Dimension nordique (membre observateur). Vérifier le caractère dissuasif des sanctions de transgression des règles et les durcir le cas échéant est aussi une piste intéressante pour assurer l’efficacité des règles.
Peut également être envisagé la création d’une règlementation aboutie sur le type de carburant utilisé par les transports maritimes, aujourd’hui encore trop polluant. On pourrait aussi penser à la délimitation d’espaces protégés sous forme de parcs terrestres ou maritimes, ainsi qu’un maintien de recension des êtres vivants habitant le milieu afin de s’assurer du maintien de ces dernières. Concernant la facilitation d’exploitation des ressources ainsi que leur acheminement et leur distribution, cela peut dans une certaine mesure aider au développement commercial de la région. Il pourrait alors être judicieux de penser un développement portuaire à multiples objectifs (comme nous le verrons plus bas), le long de la côte territoriale.
Les recommandations pouvant être faites à propos des routes et de la circulation maritime sont les suivantes. Le Canada devra peut-être mettre en place une coopération de surveillance avec les États-Unis en ce qui concerne son archipel du nord pour lequel il est plus difficile de maintenir une surveillance de bons respects des règles maritimes. Il est aussi probable que le gouvernement canadien doive se préparer à accepter la navigation de bateaux étrangers dans ces eaux-là lorsque la glace rendra la navigation totalement effective.
Le gouvernement canadien pourrait investir dans plus d’équipement et de groupes d’intervention et de sauvetages en cas d’accident pour optimiser son efficacité, ainsi que renforcer la coopération internationale pour garantir la sécurité des routes maritimes (plus d’équipes de sauvetages et de logistique pour porter secours et assistance aux bateaux en détresse). Un monitorage accru des eaux peut s’avérer nécessaire pour connaitre le trafic, s’assurer du respect des délimitations nationales et internationales et mieux guider les bateaux. La construction de ports le long des côtes servirait à sécuriser le trajet des bateaux grâce à des haltes possibles en chemin, tout en facilitant le ravitaillement des populations canadiennes dans ces régions.
Avec les changements que subit le milieu naturel arctique au Canada, les conditions de vie des populations canadiennes arctiques sont donc gravement mises en danger (contamination, raréfaction des réserves d’eau douce, ou encore un sol instable et non propice à la survie des infrastructures actuelles). Bien que certains contaminants polluants organiques persistants (POP) comme le BPC (biphényles chlorés) et le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane) ne soient plus utilisés dans les pays industrialisés, ils ont toujours cours dans certaines régions du monde comme l’Afrique ou l’Amérique du Sud. À cela s’ajoute la montée des eaux généralisée qui touchera bien évidemment les côtes territoriales canadiennes. Or 46% de la population arctique habitante sur ces zones côtières.
Le problème d’accès à de l’eau saine pour la population canadienne est très préoccupant. Dans un premier temps, préconiser plus de tests quant à la qualité de l’eau locale peut permettre aux habitants d’adopter un comportement adapté pour leur santé (choix de consommation d’une eau bouillie ou en bouteille). Ensuite il est important d’agir de manière préventive. Le Canada pourrait peut-être présenter aux instances de gouvernance internationales (par exemple l’ONU, les instances arctiques) une demande de durcissement des règles d’utilisation des contaminants de la sorte comme ce fut le cas pour le mercure. Il pourrait aussi proposer une extension de liste de ceux à proscrire totalement pour prévenir leur épandage dans les eaux et la contamination future de l’environnement ainsi que des ressources consommées par les populations arctiques canadiennes.
Pour finir, il est judicieux de continuer à réfléchir à de potentielles solutions et à de nouvelles visions d’occupation adéquate de la région arctique, compte tenu de la modification de la réalité des sols. Il est donc important d’investir dans la recherche et le développement afin de réfléchir et mettre au point de nouveaux types d’infrastructures adéquats. En attendant, il serait important de se montrer anticipateur et de déplacer autant que possible les zones habitées en les éloignant des côtes. On peut penser à l’utilisation de nouvelles infrastructures sur pilotis intégrant la technologie onéreuse des « thermosiphons » pour éviter le réchauffement du sol causé par les bâtiments chauffés.
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