La politique des États-Unis à l’égard de Taïwan a été une source de controverse continue. Alors que des avertissements suggèrent que Pékin pourrait se préparer à utiliser la force contre Taïwan d’ici 2027, voire avant, les experts sont divisés quant à savoir si les actions des États-Unis dissuadent ou provoquent la République Populaire de Chine (RPC). Les ventes d’armes et les passages de navires de guerre américains dans le détroit de Taïwan sont monnaie courante. Mais les déclarations de « clarté stratégique », les propositions visant à changer le nom de l’ambassade de facto de Taïwan aux États-Unis, les invitations pour que Taïwan participe aux exercices RIMPAC et les visites de haut niveau de responsables américains à Taïwan ont suscité beaucoup plus de controverses.
Alors qu’une grande partie des débats s’est concentrée sur la réaction de Pékin à la politique américaine, il est tout aussi crucial de prendre en compte la réaction de Taïwan. D’une part, Raymond Kuo a argumenté qu’il serait difficile de persuader le gouvernement taïwanais de mettre en œuvre une stratégie de défense asymétrique si des doutes subsistent quant à la volonté des États-Unis d’intervenir. D’autre part, selon Bonnie Glaser, un changement de la politique américaine en faveur de la clarté stratégique pourrait inciter la RPC à recourir à la force, soulignant ainsi l’importance de signifier la détermination des États-Unis par le biais de signaux.
La deuxième vague de American Portrait Survey (APS)[1] réalisée à Taïwan révèle que les États-Unis rencontrent un problème de crédibilité auprès du public, mais montre également que ce public réagit aux signaux américains. Lorsqu’on leur a demandé si les États-Unis étaient un pays « crédible », seuls 34 % ont indiqué être d’accord (bien que ce résultat soit nettement plus élevé que les 9,4 % qui étaient d’accord avec l’affirmation selon laquelle la RPC était un pays crédible). Les résultats ne traduisent pas un sentiment anti-américain ni une opinion généralement négative des États-Unis : lorsqu’on leur a demandé d’évaluer la démocratie américaine sur une échelle de 1 à 10, 84,4 % ont attribué aux États-Unis une note de 5 ou plus, et 60,1 % n’étaient pas d’accord avec l’affirmation selon laquelle la RPC surpasserait les États-Unis au cours des dix prochaines années. Les répondants taïwanais ont une image généralement positive des États-Unis, mais ils nourrissent également de sérieux doutes quant à la crédibilité des États-Unis. Ce qui est encore plus préoccupant, c’est que ces doutes se sont accrus, même si la politique américaine à l’égard de Taïwan a généralement été cohérente : entre la première et la deuxième vague de l’enquête (menées respectivement en septembre 2021 et novembre 2022), la confiance en la crédibilité des États-Unis parmi les répondants taïwanais a diminué de plus de 10 points de pourcentage (de 45,3% à 34%).
[1] La deuxième vague de l’American Portrait Survey (APS) a été parrainée par l’Institut d’Études Européennes et Américaines (IEAS) de l’Academia Sinica à Taïwan et menée par le Centre d’Études Électorales (ESC) de l’Université Nationale Chengchi à Taïwan. Elle était basée sur un échantillon de 1 234 adultes taïwanais, interrogés par téléphones fixe (708) et mobile (526) entre le 15 et le 20 novembre 2022. Avec un niveau de confiance de 95 %, l’erreur d’échantillonnage aléatoire maximale possible est de 2,79 %.
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