Dans un entretien fait à l’ensemble de la presse quotidienne régionale française, le président français Emmanuel Macron a affirmé que : « il ne faut pas humilier la Russie pour que le jour où les combats cesseront, nous puissions bâtir un chemin de sortie par les voies diplomatiques ». Il a ajouté « [j]e suis convaincu que c’est le rôle de la France, d’être puissance médiatrice ». Bien qu’il ait souligné dans la même entrevue que la France renforcerait son soutien militaire et financier à l’Ukraine, ses propos sur l’humiliation ont provoqué une vive réaction. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kulebo, a ainsi tweeté que « [l]es efforts pour éviter l’humiliation de la Russie ne peuvent qu’humilier la France et tous les autres pays qui la réclament. Car c’est la Russie qui s’humilie elle-même ».
En avançant cet argument de l’humiliation, qu’il avait déjà formulé par le passé, Macron semble s’appuyer sur une lecture particulière du traité de Versailles et de son lien potentiel avec la montée du nazisme et la Seconde Guerre mondiale. Selon cette interprétation, le traité de Versailles a été une paix humiliante pour l’Allemagne, notamment en raison de l’inclusion de la « clause de culpabilité de guerre » (article 231) qui attribue à l’Allemagne l’entière responsabilité du conflit afin de justifier les réparations massives qui lui ont été imposées. Le traité de Versailles ayant provoqué un profond ressentiment dans la société allemande, dont les membres s’attendaient en fait à une paix plus clémente, les idées revanchardes et militaristes y ont trouvé un terreau fertile. Cela a préparé le terrain pour qu’Adolf Hitler et les nationaux-socialistes prennent le pouvoir et plongent l’Europe dans une guerre mondiale encore plus calamiteuse.
La déclaration de Macron sur l’humiliation est aussi déroutante qu’exaspérante pour beaucoup de personnes en Ukraine et dans les pays de l’OTAN qui ont une frontière directe avec la Russie dans le nord-est de l’Europe. D’une part, elle repose sur une compréhension très problématique des causes du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale. D’autre part, elle contribue à aliéner la France de ses propres alliés le long du « flanc oriental » de l’OTAN, à savoir l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne. En effet, les déclarations de Macron concernant l’humiliation et la Russie vont à l’encontre des objectifs de politique étrangère qu’il a lui-même déclarés, à savoir sa recherche d’autonomie stratégique européenne et son rôle de médiateur entre l’Ukraine et la Russie.
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