À l’heure de l’élection présidentielle américaine de 2024, le duel entre Donald Trump et Kamala Harris marque un tournant décisif pour la politique étrangère américaine et les ambitions contrariées d’un retour des Etats-Unis à la primauté. Dans un monde toujours plus fragmenté qui remet en question l’ordre international libéral post-1945, les États-Unis sont tiraillés entre des crises institutionnelles, économiques, culturelles et politiques devenues structurelles tandis que de nouvelles dynamiques de puissance se déploient. Peinant à restaurer le grand récit national au bénéfice des prédicateurs du déclin (Russes ou Chinois) et de la désoccidentalisation du monde, cette élection est marquée par l’internalisation des enjeux internationaux – Ukraine, Gaza. Elle pourrait constituer un moment de bascule stratégique pour les États-Unis vers la transition de puissance, tandis que les questions économiques et migratoires continuent de cristalliser les divisions internes, entre internationalisme et isolationnisme, mondialisation et démondialisation. Trump défend une approche nationaliste et isolationniste, tandis que Harris privilégie l’engagement et le multilatéralisme, deux visions qui reflètent des stratégies profondément opposées quant à la place que les États-Unis devront jouer dans le monde.
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les États-Unis doivent réévaluer leur posture stratégique, les termes de leur leadership au sein de l’OTAN, et leur définition de la menace russe. Dans le même temps toute ambition de « Grande Stratégie » américaine à l’échelle globale est façonnée par la centralité de la rivalité avec la Chine et le risque de conflits multi-théâtres. La difficile gestion du conflit israélo-palestinien, depuis octobre 2023, avec des affrontements intenses entre Israël et le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Sud Liban, accentue encore le difficile retour à un multilatéralisme propice à l’exercice de la puissance des États-Unis. Washington se trouve dans une position délicate: soutenir son allié historique tout en essayant de contenir une escalade régionale qui déstabilise une nouvelle fois le Moyen-Orient. La prophétie de la fin de la Grande Stratégie américaine, annoncée depuis Obama, prend tout son sens dans ce contexte et interroge la capacité des États-Unis à pouvoir encore formuler une stratégie cohérente face à de multiples crises et défis multiformes (conflits armés, cyberattaques, Guerres commerciales et technologiques) tout en préservant leurs alliances traditionnelles.
Dans cet environnement stratégique contesté, plusieurs questions clés se posent : comment les États-Unis peuvent-ils maintenir une Grande Stratégie cohérente face à la montée de nouvelles puissances et à des conflits de plus en plus complexes, comme en Ukraine ou au Moyen-Orient ? Le leadership américain au sein de l’OTAN est-il encore pertinent face aux ambitions expansionnistes de la Russie ? Et plus largement, comment l’approche de Harris ou celle de Trump, chacune très différente, influencera-t-elle la manière dont les États-Unis envisageront leur rôle dans un monde multipolaire ? D’ailleurs, ces deux visions opposées ne font-elles pas face à une impuissance commune ? Ce colloque se concentrera sur les contraintes internes et externes qui pèsent sur la fabrique d’une politique étrangère adaptée à un ordre international en mutation, et interrogera les dilemmes stratégiques à l’œuvre pour mieux comprendre l’évolution de la puissance américaine après l’élection de 2024.
Programme
Mot d’accueil
Pr. Martial FOUCAULT, directeur de l’IRSEM
9h30 : Introduction regards croisés sur les enjeux de l’élection américaine
- Mcf. Maud QUESSARD, directrice du domaine EETR (IRSEM)
- Pr. Elisa CHELLE, rédactrice en chef de Politique Américaine (Université Paris-Nanterre)
9h40-10h : Bipartisanship and U.S. Foreign Policy in Congress
- Keynote: Dr. Jordan TAMA (American University)
- Discutant: Mcf. Frédéric HEURTEBIZE
10h-11h : Panel 1 | La Politisation de La Politique Etrangère
Président : Mcf. Pierre BOURGOIS (Université Catholique Angers)
- L’Executif : commandant en chef de la politique étrangère TBC – Pr. François VERGNIOLLE DE CHANTAL (Université Paris-Cité)
- Back to the Future : Les Etats Unis entre démondialisation et re-mondialisation – Pr. Jean-Baptiste VELUT (Université Sorbonne-Nouvelle)
- L’immigration, un enjeu intermestique en transition ? – Mcf. Cléa FORTUNE (Université Sorbonne-Nouvelle)
- Acteurs religieux et internalisation des enjeux internationaux – Mcf. Marie GAYTE (Université de Toulon et du Var)
Pause-Café
11h15 – 12h15 : Panel 2 | L’Ukraine et la Russie, Enjeux de Politique Intérieure ?
Présidente : Mcf. Maud QUESSARD
- Keynote : Pr. Michael KIMMAGE (American Catholic University)
- Discutant: Dr. David CADIER (IRSEM)
- Discutant: Dr. Martin QUENCEZ (German Marshall Fund of the United States)
Déjeuner
13h45 – 14h10: Strategy and Grand Strategy in the Next Administration
- Keynote: Dr. Joshua ROVNER (American University)
- Mcf. Frédéric HEURTEBIZE (Université Paris-Nanterre)
14h20 – 15h20 : Panel 3 | Les Etats-Unis et l’Impossible Désengagement du Moyen-Orient
Présidente : Pr. Claudia CASTIGLIONI (Sciences-Po Paris)
- Un désengagement volontaire ou provoqué ? – Général Olivier PASSOT (IRSEM)
- Les enjeux du scrutin présidentiel américain pour les monarchies du Golfe – Dr. Fatiha DAZI HENI (IRSEM)
- L’Iran, les Gardiens de la Révolution et le » Grand Satan » américain : ruptures et alliances
politiques depuis 1979 – Dr. Wendy RAMADAN ALBAN (IRSEM) & Sophia MARHOUG (Université Sorbonne)
Pause-Café
15h30 – 16h45 : Panel 4 | Les Etats-Unis et la Redéfinition des Relations Transatlantiques
Président : Dr. Elie BARANETS (IRSEM)
- Le partage du fardeau militaire en Ukraine – Pr. Justin MASSIE (Université du Québec à Montréal)
- La relation transatlantique, théâtre régional de compétition avec la Chine – Dr. Erwan LAGADEC (Georges Washington University)
- Les Etats-Unis et l’extrême droite, une menace sécuritaire pour les démocraties – Pr. Jean-Christophe BOUCHER (Université de Calgary)
- Les coopérations de renseignement dans la relation transatlantique : quelle présidence pour quelles conséquences ? – Dr. Clément RENAULT (IRSEM)
16h45 – 17h15 : Conclusion et débat
- Pr. Jonathan PAQUIN (Université Laval, Directeur de l’ESEI et Codirecteur du RAS)
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