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Face au comportement agressif de Pékin en mer de Chine méridionale et orientale et à celui de Moscou en Europe orientale, l’approche classique de l’équilibre de la menace soutient que les alliés des États-Unis devraient automatiquement faire contrepoids à ces États en serrant les rangs derrière Washington. Or, des événements récents ont remis en doute cette approche puisque deux alliés formels de Washington, les Philippines et la Turquie, ont ouvertement menacé de rompre leur alliance défensive avec les États-Unis et de se réaligner sur la Chine et la Russie. À la suite de son élection à la présidence des Philippines en 2016, Rodrigo Duterte annonçait publiquement sa rupture avec Washington et le réalignement stratégique de son pays sur la Chine. Le président turc Recep Tayyip Erdogan, pour sa part, avertissait la Maison-Blanche dans une tribune publiée dans le New York Times en 2018 qu’il disposait d’alternatives stratégiques à l’OTAN et que, si Washington ne se montrait pas plus sensible aux intérêts de la Turquie, leur partenariat pourrait être compris et Ankara pourrait se trouver de nouveaux alliés, sous-entendant ici la Russie et l’Iran.
Pourquoi Manille et Ankara ont-elles remis en cause leur alliance formelle au risque de s’aliéner Washington ? De telles menaces publiques sont relativement rares et constituent en quelque sorte des anomalies en politique étrangère. Elles requièrent une attention particulière étant donné l’incertitude entourant le leadership des États-Unis et la polycentricité croissante du système international.
Le chantage stratégique
En y regardant de plus près, Duterte et Erdogan ont tous deux exercé un chantage stratégique dans le but d’obtenir des concessions de Washington. Comme le souligne Stephen Walt, « un maître chanteur peut menacer de poser une action à laquelle son allié s’oppose, dans l’espoir de le persuader de lui donner quelque chose en retour de son adhésion à ses préférences ». Le chantage stratégique est généralement employé par des États insatisfaits de leur position dans le système international afin d’obtenir plus de reconnaissance ainsi que des gains tels que la réassurance d’un engagement et un plus grand soutien matériel de la part de leurs alliés. Comme nous le verrons ci-dessous, les griefs à l’égard de Washington, la peur de l’abandon et le populisme permettent d’expliquer pourquoi Manille et Ankara ont eu recours au chantage stratégique. Ensemble, ces facteurs les ont poussés à recourir à la rivalité entre grandes puissances afin de faire chanter Washington dans l’espoir d’obtenir des concessions en matière de sécurité et de défense.
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